Télécharger la brochure de A5 de 256 pages en PDF des Éditions les Liens qui Libèrent : Brochure « JOYEUX BORDEL : TACTIQUES, PRATIQUES ET THEORIES POUR BIEN REUSSIR LA REVOLUTION » ASSEMBLEE PAR ANDREW BOYD ET DAVE OSWALD MITCHELL
Préface :
« Créer c’est résister, résister c’est créer ! » procl maient en 2004 treize résistants français de la première heure. Soixante ans après avoir adopté « Les Jours heureux », le programme à l’origine de nombreuses avancées telles que la sécurité sociale, tous ceux qui aspirent à la justice sociale étaient ainsi appelés à perpétuer l’esprit créatif et ambitieux qui animait les mouvements de résistance d’alors. Si aujourd’hui les modes de lutte créative sont évidemment différents, les outils de résistance prennent toujours naissance sous la forme d’une idée ou d’un rêve : de la grève générale à l’hacktivisme d’Anonymous, de l’utilisation de tracteurs pour occuper l’espace public au jardinage guérilla avec des bombes à graines.
À travers l’histoire, bien des gens portés par le courage et l’aspiration à un monde plus juste sont parvenus à allier créativité et remise en cause radicale pour « changer le système ». Pourtant, ces tactiques et stratégies ne sont jamais enseignées à l’école dans les cours d’éducation civique, ni bien entendu à Sciences Po ou dans les écoles d’art et de design. Un trop grand nombre d’entre elles ont disparu dans les méandres de l’histoire, car les activistes ne prennent pas suffisamment la peine de transmettre leurs outils aux plus jeunes générations. Le livre que vous tenez entre les mains tente de combler cette lacune. C’est une boîte à outils de tactiques, de stratégies et de principes à appliquer dans nos mouvements et groupes d’activistes. Joyeux bordel est bien plus qu’un manuel pour militants, c’est un inventaire d’expériences et de réflexions rebelles s’étalant sur plusieurs décennies, depuis la façon d’accueillir de nouvelles personnes au sein d’un collectif jusqu’aux instructions pour projeter des slogans sur les murs du siège social d’une multinationale. « La joie est le secret de la résistance », nous dit Alice Walker, et, faute de nouveaux outils efficaces, la résistance devient un rituel morose, ponctué par des défilés et des pétitions, des discours, des tracts et des assemblées trop longues et mal modérées.
À l’origine, Joyeux bordel est un ouvrage assemblé par des activistes des États-Unis au moment où des manifestations jaillissaient de la place Tahrir au parc Zuccotti, de l’Islande aux rues de Tunis. Si cet esprit mondial de résistance semble moins flamboyant ces temps-ci, nombre de ses idées, de ses pratiques, de ses espoirs et de ses désirs continuent de se propager. Ce livre s’inscrit dans ce processus, et cette traduction vise à replacer ces outils dans un contexte francophone.
La France est depuis très longtemps un extraordinaire laboratoire de formes de résistance créative. Lorsque, une nuit de 1588, quelques rebelles eurent l’idée lumineuse de faire rouler des barriques de vin dans la rue pour protéger leur quartier des attaques du gouvernement, ils ne se doutaient sûrement pas que leur invention, dont le nom allait faire honneur à l’étymologie, deviendrait la « barricade » et serait reproduite dans le monde entier au cours des siècles à venir.
Quatre cents ans plus tard, les lettristes, poètes radicaux et militants, se déguisèrent en prêtres, se hissèrent dans la chaire de Notre-Dame de Paris lors d’une messe de Pâques retransmise à la télévision et crièrent : « Nous clamons la mort du Christ-Dieu pour qu’enfin vive l’Homme ! » Ce canular médiatique précoce a résonné au long des années, inspiré les situationnistes, et, deux générations plus tard, dans un studio de télé parisien, l’un des deux activistes américains des Yes Men s’est présenté en tant que porte-parole de Dow Chemical. Vingt ans plus tôt, cette entreprise multinationale avait provoqué par négligence une catastrophe à Bhopal qui avait tué des milliers d’Indiens. Lorsque la fausse promesse des Yes Men d’une compensation qui serait versée aux victimes apparut sur les réseaux de la BBC, il ne fallut qu’une vingtaine de minutes pour que la valeur boursière de l’entreprise chute de deux milliards de dollars.
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Au moment de mettre ce livre sous presse, nous sommes à quelques mois de la conférence des Nations unies sur le changement climatique qui se tiendra au Bourget, près de Paris, et un jeune homme de 21 ans vient d’être abattu par une grenade offensive lancée par les forces de l’ordre tandis qu’il protestait contre la construction d’un barrage destructeur de biodiversité dans le Tarn. Alors que la lutte pour la justice climatique et sociale (les deux versants d’un même combat) s’intensifie, il est évident que nous avons plus que jamais besoin d’être audacieux, ambitieux et créatifs dans nos approches.
En parcourant ce Joyeux bordel, chacun pourra trouver l’inspiration et des réponses à ces enjeux. En piochant parmi cette multitude d’ingrédients, de théories, de principes et d’études de cas, nous pourrons participer à l’invention d’une cuisine collective et bouillonnante et contribuer ainsi à l’évolution permanente de nos manières d’agir. Des exemples d’actions françaises, québécoises et africaines brillantes mettent en lumière le contenu du livre original. Il ne tient qu’à vous d’en compléter la liste dans nos rues, dans nos champs… – partout où le besoin de liberté et de justice pourra s’épanouir.
Joyeux bordel !
Isabelle Frémeaux, John Jordan et Jean-Marie Malo