Madrid (Espagne ) : Une mer de possibilités dans le désert de béton.

Le territoire est le lieu où le pouvoir déploie ses mécanismes et, avec eux, le conflit.

L’État a besoin d’un territoire pour développer et rendre effective sa domination. A son intérieur, des groupes sociaux se disputent le pouvoir, la réalité. Même la construction politique de l’État-nation exige un territoire donné, qui fonctionne comme cadre : on parle ainsi d’un territoire national, défendu par des frontières, des murs, des barbelés, la police, l’armée, des camps d’internement et des postes de contrôle.

Sur un plan plus concret, en dehors d’échelles nationales dégoûtantes, on trouve que le territoire est l’échiquier sur lequel s’appliquent les règles du jeu. Le pouvoir doit occuper le territoire afin d’assurer l’hégémonie de sa réalité, le fonctionnement de ses règles. A l’intérieur du territoire, la lutte pour l’espace, le questionnement des ordres de l’autorité dans un cadre donné, sont la base même du conflit avec le pouvoir.
Notre objectif ici est d’analyser le territoire dans lequel nous vivons et comment, à travers celui-ci, le pouvoir se déploie sur nous. L’espace nous conditionne. La façon d’habiter le territoire peut lui donner un autre sens, modifier les normes qui le dominent et engendrer des espaces d’autodétermination et de liberté, pour les personnes qui y vivent.
Cependant, les villes ont été organisées, et de plus en plus elles se transforment et sont construites sur la base d’intérêts qui sont totalement étrangers aux nôtres. Il faut analyser les processus historiques de transformation des villes, étant donné qu’elles sont des centres d’accumulation de pouvoir et de capital. La révolution urbaine, qui construit un monde plein de métropoles gigantesques et malsaines n’est pas un plan pour l’avenir, elle est une réalité. Le capitalisme réalise ainsi plusieurs transformations au niveau urbain, poussé par une logique mercantiliste et fonctionnaliste, selon des intérêts acquis. La gentrification ou la transformation en objet de tourisme ne sont que quelques-uns de ces processus, avec lesquels on essaye de faire évoluer les formules d’exploitation et de domination sur les exploité.e.s. Le transfert forcé permanent et l’expulsion auxquels ces changements nous soumettent sont une démonstration ultérieure de cette lutte pour le territoire.

Loin de la recherche d’une réforme démocratique de la ville, telle que proposée par la gauche – une autre forme de gestion de la misère – nous pensons que l’hostilité permanente envers le pouvoir est le seul chemin, se manifestant dans des luttes telles que les occupations ou l’opposition et l’entrave aux plans de réorganisation urbaine, par l’action directe et l’autonomie.

La domination traverse nos vies sous forme de béton armé et des circuits de données. Un territoire créé pour le contrôle ne peut pas donner naissance à des espaces de liberté. Notre analyse ne peut donc que viser à la destruction des villes et du mode de vie qu’elles hébergent. Notre praxis : le conflit social. Si la ville est notre prison, notre façon de la vivre doit être la mutinerie.

Nous voulons analyser le territoire pour comprendre comment il nous domine, pour comprendre son fonctionnement et trouver ses vulnérabilités. Nous pensons que c’est la façon de surmonter cette domination, faire nos choix. La ville détermine comment nous nous relationnons, comment nous bougeons, même comment nous luttons et, en fin de compte, comme nous vivons. Comprendre ces mécanismes nous aide à prendre des décisions, au-delà de ces impositions. D’un autre côté, la ville est un foyer de conflit social. Le système y regroupé la plus grande partie de la population et y concentre également les centres névralgiques de ses infrastructures. Nous proposons de regarder autour de nous afin de trouver les opportunités que la ville nous offre, afin d’attaquer et de génerer des conflits. Nous parions sur une projectualité anarchiste dans la lutte depuis la ville, contre la ville.

Nous avons organisé cette rencontre dans le but de générer un discours à propos de la ville et des conflits qu’elle nous pose, d’un point de vue anarchiste. Nous sommes intéressés à nous demander si nous avons choisi consciemment ce moyen qu’est la ville, en tant que lieu dans lequel développer notre vie et notre lutte. Quels conflits pose-t-elle pour nous, quelles possibilités elle ouvre et comment elle affecte nos relations et nos projets. Nous essayons de créer cet espace pour pouvoir partager l’analyse à travers nos différentes expériences. Qu’entend-on par lutte dans/depuis les quartiers ? Courrons-nous le risque de générer de nouvelles politiques d’identité, vers un nouveau patriotisme de quartier ? Quoi dire de l’interclassisme en ce qui concerne la figure du « voisin », cherchons nous créer un nouveau sujet révolutionnaire, comme c’est le cas avec l’ouvriérisme ? Comment sortir des discours citoyennistes et de la conséquente récupération des conflits qui surgissent dans les quartiers? Comment analyser les changements urbains, la gentrification, le problème du logement et les divers conflits que la ville nous pose? Comment promouvoir une conflictualité dans les quartier à travers ces problématiques? Comment notre façon d’occuper le territoire urbain peut-elle générer des conflits, comment se matérialise notre présence ? Comment se matérialise l’occupation du territoire par l’État et comment nous pouvons gagner du terrain face à sa domination ? Avec quels objectifs et quelles projetions posons-nous nos luttes ? Dans quelle mesure nos dynamiques sont influencées par l’espace dans lequel nous vivons et luttons? Est-il possible de changer cela ?

Voici quelques-unes des questions que nous voulons aborder au cours de ces journées. D’une part, en invitant des projets anarchistes de cette ville, pour qu’ils présentent leurs analyses et leurs expériences à ce propos ; d’autre part, en amenant des compas d’autres endroits pour qu’ils/elles apportent leur expériences, très différentes, afin d’apprendre d’autres contextes.
Nous croyons que des moments approchent, où certains conflits autour de ce lieu de vie qu’on appelle ville peuvent être accentués; il est donc important d’approfondir notre propre discours sur le sujet, pour décider si prendre part à différentes luttes, ou peut-être essayer d’en démarrer.

Nous vous invitons à venir participer à cette rencontre, pour il y aura un espace d’hébergement pour accueillir les compas qui viennent d’autres villes. Elle se déroulera à Madrid, le week-end du 14, 15 et 16 juin.

Pour nous contacter, écrivez-nous à :
unmardeposibilidades@riseup.net

*****

PROGRAMME

vendredi 14
La Emboscada, C/Azucenas, 67
18h – discussion : “ La ville comme instrument de domination”

samedi 15
Local Anarquista Motín C/Matilde Hernández, 47
18h – présentation et expériences de la Communauté des squats de Koukaki, Athènes.
20h – discussion : “Squats et confit social”
22h – dîner

dimanche 16
La Emboscada, C/Azucenas, 67
18h – présentation et expériences du projet Rigaer94, Berlin
20h – table ronde : projectualités et propositions de lutte dans la ville, avec la participation de différents projets de Madrid
22h – dîner