A propos de la flic infiltrée débusquée au contre-sommet du G7

Ceci est un texte rédigé en urgence afin que l’info tourne et que toutes les personnes et tous les groupes que cette personne a approché ces derniers mois puissent s’organiser en conséquence.

Ceci est un texte rédigé en urgence afin que l’info tourne et que toutes les personnes et tous les groupes que cette personne a approché ces derniers mois puissent s’organiser en conséquence. Il semble que cette flic infiltrée se faisait appeler « Dan », « Rose », « Rose des sables » ou « Clara » en fonction des villes et des groupes dans lesquels elle évoluait, et elle avait sûrement bien d’autres surnoms. Elle a la soixantaine, est assez fine, mesure entre 1,55 m et 1,65 m, c’est une grande fumeuse, elle a les traits tirés et porte presque tout le temps des lunettes de soleil (voir photos). Elle prétendait venir de Clermont-Ferrand auparavant et avoir eu une activité militante là-bas. Elle disait également qu’elle travaillait à Enedis sur Toulouse actuellement.
 
Sur le camp du contre-sommet, lors d’une assemblée assez sensible portant notamment sur l’organisation du départ de la manif de Bayonne, cette femme a été remarquée (par des personnes la connaissant du mouvement GJ à Toulouse) en train de prendre discrètement, avec son téléphone portable, des photos des gens participant à l’AG. Ces personnes ont décidé d’intervenir et de se confronter à elle, à l’écart de l’AG.
 
Lorsque son téléphone est checké, il apparaît que plusieurs centaines de photos d’actions, de manifs et d’AG ont été prises les 3 jours précédents. Par la suite, les camarades se sont rendus compte que certaines de ces photos, notamment celles de personnes prises en gros plan, donc clairement identifiables, ont été envoyées (accompagnées de rapports détaillés sur leurs activités, ainsi que des comptes-rendus de réunion en groupe restreints) à un supérieur qui lui demandait des précisions et lui donnait des consignes. Dans la confusion qu’a provoquée cette découverte, cette keuf a réussi à disparaître du camp (et il est probable qu’elle ait été exfiltrée du centre Pierre & Vacances où elle s’était sans doute réfugiée, lors de l’attaque du camp par les flics qui a eu lieu quelques heures plus tard). A noter qu’elle a tenté, juste avant, d’envoyer un message intitulé « téléphone HS » sur un groupe Telegram d’orga du G7, ce qui nous indique qu’elle était en contact avec d’autres flics présents sur ces listes.
 
Bien plus qu’une simple indic
 
Ce qui frappe dans cette histoire, c’est l’ampleur des connexions et des informations auxquelles cette personne avait accès. A ce jour, on sait qu’elle est apparue dans le mouvement Gilets Jaunes à Toulouse courant janvier, qu’elle a participé à l’organisation des parcours de manifestations, qu’elle s’est positionnée sur de nombreux groupes Telegram et Facebook (elle a à ce jour deux Facebook connus : « Dan boro » et « Rose des sables »), qu’elle a pris part aux assemblées et à différentes commissions du mouvement, qu’elle a réussi à approcher et à se connecter avec des personnes et des groupes qui pouvaient être perçus comme les plus déters du mouvement. Il faut également savoir qu’elle était dans les groupes d’organisation Telegram des hébergements GJ lors des Actes nationaux de Toulouse et qu’elle a donc pu procéder à un fichage conséquent. Nous sommes donc loin d’avoir affaire à une simple indic de la police, comme il y en a bien sûr ici et là. Cette personne organisait, impulsait et poussait à des actions ; elle mettait en relation des gens afin que la police puisse procéder à des arrestations. C’est l’État qui organisait ses coups de filet…
 
On a retrouvé cette situation à Toulouse, Bordeaux et Montpellier, mais également et surtout dans l’organisation du contre-sommet du G7. Pour paraître crédible, cette pourriture de flic s’appuyait sur les connexions en mettant en avant la place qu’elle occupait dans d’autres villes, dans d’autres réseaux – une technique de flic bien rodée.
 
Concernant le contre-sommet, elle a incité pendant des mois de nombreuses personnes de différentes villes à s’y rendre, en leur promettant une mise à disposition sur place de matériel défensif et offensif. Il est apparu qu’elle avait incité et facilité de nombreuses actions, et qu’elle était le seul contact sur place pour des personnes venant des quatre coins de la France et d’autres pays. Cette technique de flicaille, notamment de RG, est bien connue : pousser à l’infraction et ensuite interpeller… Elle organisait (et « sécurisait »…) la venue de personnes sur le camp et elle occupait une grande place dans la logistique du contre-sommet (organisation de la manif à Bayonne, autres « camps » près de Bayonne, et ouvertures possibles de squats, connexions avec des participants aux réus de la plate-forme officielle de l’anti-G7…). Le plan des keufs a sûrement été mis à mal par la découverte de l’une de leurs sales taupes. Cependant, il est aujourd’hui certain que cette infiltration a contribué à emprisonner de nombreux camarades ces derniers mois. Il reste encore difficile aujourd’hui de connaître l’ampleur des dégâts.
 
Malgré tout ce qui vient d’être dit ici, il s’agit de ne pas se laisser envahir par la paranoïa. Ne nous refermons pas sur nous-mêmes, notre force réside également dans nos espaces d’organisation collective ouverts. La répression que nous subissons est à la hauteur de la force de notre mouvement. Le meilleur moyen de se défendre de la flicaille reste de détruire ce qui la produit : le système qui a besoin d’elle.

Si vous avez des informations, n’hésitez pas

deratisation1312@riseup.net

P.-S.

Note de IAATA : Nous ne sommes pas encore en mesure de savoir précisément si cette personne est directement membre de la police ou d’un autre service ou si c’est une « indic ». Cela ne change rien aux mesures à prendre pour éventuellement se protéger si vous avez fréquenté de près ou de loin cette personne.

Source : https://iaata.info/A-propos-de-la-flic-infiltree-debusquee-au-contre-sommet-du-G7-3547.html

Le « bon gros gâchis » de Biarritz : un récit libertaire du contre-G7

La mobilisation contre le G7 de Biarritz a été un énorme fiasco, avec une cristallisation des divergences stratégiques et organisationnelles au sein du milieu militant. Légalisme non violents d’un côté, insurrectionnalisme à courte vue de l’autre… C’est la rançon d’une mobilisation sans objectifs.

Le contre-sommet du G7 avait été organisé depuis septembre 2018 par une plate-forme double (une basque et une hexagonale) composée de différentes organisations et associations, notamment Attac, les Amis de la Terre, la LDH et diverses ONG, soutenues par plusieurs organisations politiques et syndicales. Peu avant le contre-sommet, les groupes révolutionnaires locaux qui participaient à l’organisation (les collectifs anarchistes locaux IPEH Antifaxista et Indar Beltza) s’étaient retirés de la plate-forme, déplorant l’opacité des décisions et les pratiques autoritaires qui y prévalaient.

Tout le monde se retrouvait néanmoins à Urrugne, sur le campement aménagé pour recevoir 10 000 contestataires. Un « village altermondialiste » isolé par les autorités… à 30 kilomètres de Biarritz, où se tient le G7, et à 7 kilomètres d’Hendaye, où se tiennent les conférences du contre-sommet.

Le campement d’Urrugne, à 7 kilomètres d’Hendaye. cc Pierre-Olivier Chaput/Radio Parleur.

Du début à la fin, sur ce camp d’Urrugne, il y aura peu d’animation politique : quelques stands de gilets jaunes avec journaux locaux et tracts, quelques anarcho-syndicalistes et autonomes. Les policiers ont d’abord été autorisés par les organisateurs et organisatrices à pénétrer dans le camp, et ont procédé à des contrôles. L’ambiance a vite été délétère, entre les prêcheurs de l’insurrection immédiate d’une part, rejetant toute règle (vue comme arbitraire) et toute discussion avec les organisateurs du contre-sommet volontiers traités de « collabos » ; d’autre part les institutionnels et légalistes de la plate-forme, chantres de la non-violence, hostiles à toute autre forme d’action, et autoritaires dans la communication des informations, la prise de décisions et l’organisation des actions.

Tentative avortée de bloquer l’autoroute

Dès vendredi, vers 16 heures, après s’être installé·es, environ 300 militantes et militants entament une manifestation sauvage près du camp, avec pour but le blocage de l’autoroute. Aucune casse en traversant la ville, pas d’incidents notables. La manifestation arrive face à un important barrage de fourgons des forces répressives, qui les attendent à l’entrée de l’autoroute. Derrière, les « Brigades de répression de l’action violente » (Brav, créés en mars, pendant le mouvement des gilets jaunes) bloquent la voie empruntée à l’aller. En réponse, quelques cailloux sont envoyés dans leur direction, après quoi ils répliquent en tirant dans le tas avec leurs LBDs, sans aucune sommation.

Cela révèle la posture des forces de l’ordre pour toute la durée du contre-sommet : attendre et/ou provoquer le moindre faux pas pour réprimer le plus violemment possible.

Le cortège suit l’itinéraire imposé par la police sans problèmes. Drones et hélicoptères le survolent et surveillent son évolution. Malgré cela, les forces de répression tentent des intrusions dans le cortège à deux reprises, d’abord un motard de la gendarmerie, puis une voiture de la Brigade anticriminalité (Bac), virés tour à tour du cortège. Les provocations deviennent menaces lorsque les Brav foncent sur les manifestantes et manifestants, les attaquant à coups de matraques et de LBD. Des blessé·es sont à déplorer, ainsi que plusieurs arrestations d’une violence extrême. Les agressions policières se poursuivent à l’encontre des manifestantes et manifestants qui cherchent à rentrer, jusqu’à l’entrée du camp où enfants et personnes âgées sont installé·es pour le contre-sommet.

Peu après le retour et le récit des camarades participant-es, nouveau rassemblement sur la route en bas du camp. Les forces répressives reviennent. Elles sont accueillies par des manifestant·es mis·es en colère par la répression qui a précédé. Après un moment de simple présence, les forces répressives se remettent à tirer au LBD, à envoyer des grenades lacrymogènes sur les gens, qui remontent sur le chemin vers le camp. Des barricades sont dressées, jets de pierres en réponse à l’agression des CRS. Ces derniers finissent par redescendre et se retirer après quelques derniers jets de grenades et tirs de LBD.

Quinze mille personnes à Hendaye

Samedi matin à 11 heures, à Hendaye, la manifestation est déclarée. Quinze mille marcheurs et marcheuses défilent sous divers drapeaux d’organisations politiques, syndicales et associatives, entre autres Attac, Ensemble, la CNT, Extinction Rébellion (XR), SUD-Solidaires, Oxfam, etc. On entend des chants pour la libération des prisonniers politiques basques. On reconnaît aussi les slogans des samedis Gilets Jaunes à Bordeaux.

La police se tient en retrait. Dans la ville il y a peu de monde outre les 15.000 manifestant-es annoncé-es. La plate-forme a prévu un service d’ordre de plusieurs centaines de non violent-es, notamment d’Alternatiba et d’Attac, qui protègent en chaîne humaine les banques et autres symboles capitalistes de toute action qui aurait pu les viser, tout en scandant des slogans anticapitalistes. Elle défend ainsi sa décision arbitraire et unilatérale de soumission et d’enchaînement au système capitaliste et à l’État, qu’elle nomme pudiquement « consensus d’action ». Les organisations non-violentes se sont ainsi faites les auxiliaires objectives des forces de répression, allant jusqu’à tenter d’empêcher les personnes agacées par cette attitude de sortir du cortège et de changer d’itinéraire.

À Hendaye, la manifestation du 24 août a attiré 15.000 personnes. cc Pierre-Olivier Chaput/Radio Parleur

Après avoir été défendu par les manifestant·es, un homme se fait arrêter : trouvant d’abord refuge dans un bar devant lequel ils et elles s’interposent avant d’être écarté-es par les policiers, hués par la foule, il est finalement interpellé. Cet exemple montre bien qu’à l’inverse des positions tranchées de la plate-forme qui n’a pas communiqué sur les multiples arrestations ni sur les blessé·es ou l’infiltration et le fichage policiers, les contestataires du G7 n’étaient pas dans leur globalité aussi aveugles sur le rôle historique des forces répressives ou sur l’action non violente. Tout le monde ne rentrait pas dans la logique de reddition des organisations de la plate-forme.

La manifestation finit sans plus d’incidents à Irun, côté espagnol de la frontière.

Le Pays basque bouclé par la police

Dans la région, contrôles systématiques de toutes les voitures, fouilles intégrales et intimidations sont la norme. Les voitures sont arrêtées et contrôlées tout le long de la route. Trois militants allemands ont ainsi été interpellés, et deux emprisonnés, sans autre motif que leur possession de brise-glace et de documents liés à la gauche radicale.

Table ronde « Ripostons à l’autoritarisme ! » au contre-G7, le 21 août. cc G7EZ

À Bayonne, zone interdite aux manifestations, plusieurs appels à rassemblement tournent ; des policiers et gendarmes à tous les coins de rues, ils contrôlent au hasard les passant-es, les ponts sont bloqués par des barrages avec nouvelles fouilles systématiques. Le Petit Bayonne s’en trouve verrouillé. Certain-es militant-es se font contrôler six fois de suite. De nombreuses arrestations préventives. Ambiance d’occupation, blindés, canons à eau, nombreux voltigeurs hués par la foule. Les forces répressives ont commencé à encercler la zone, finissant par la fermer totalement avec des grilles anti-émeutes mobiles. Les personnes ayant prévu de manifester sont éparpillées en petits groupes du fait de l’omniprésence des forces répressives, et régulièrement intimidées.

Le rassemblement a lieu à l’entrée de la ville sur la presqu’île, environ 500 personnes participent ; des affrontements ont lieu entre manifestant-es non équipé-es d’un côté et forces répressives, avec canon à eau, hélicoptères, drones et Brav de l’autre. Après un grand nombre d’arrestations de manifestant-es, le rassemblement se termine par une nasse très longue. Le soir, des affrontements ont lieu sur le camp, en réponse aux provocations des forces répressives.

L’annulation des actions de blocage

Le dimanche, la plate-forme annule sept actions de désobéissance civile. Selon Le Canard enchaîné, (1) le ministère de l’Intérieur aurait négocié cela en échange d’une autorisation officieuse de la « marche des portraits » à Bayonne… qui par ailleurs sera un échec, en ne rassemblant que peu de monde.

Le lendemain, les deux plateformes anti-G7 ont opposé un démenti formel aux informations du Canard (2).

La nuit de dimanche à lundi, dernière confrontation avec les forces répressives qui sont revenues harceler les participantes et participants par des contrôles incessants à l’entrée du camp après avoir contrôlé les gens le long de la route.

La grille mobile anti-émeutes utilisée par la police. cc Pierre-Olivier Chaput/Radio Parleur

Ce contre-sommet est finalement une victoire politique pour le gouvernement et plus largement pour l’État. En effet le déroulement du G7 n’a absolument pas été dérangé par les mobilisations. Le camp a été infiltré par une policière, qui a été surprise en train d’envoyer photos et informations multiples sur des centaines de personnes notamment lors d’assemblées générales ou de réunions sensibles, dont elle rendait compte à sa hiérarchie (3). Les arrestations et emprisonnements ont été très nombreuses. Les actions et rassemblements n’ont pas réuni beaucoup de monde hormis à la balade de Hendaye.

Repenser les contre-sommets

Tout cela doit amener à certaines conclusions. Tout d’abord il faut analyser que les organisations de la plate-forme ont joué un rôle de négociatrices plutôt que véritablement contestataires, et noter leur inconséquence politique et organisationnelle, qui a mis en danger de nombreuses personnes. D’autre part noter l’incapacité des organisations révolutionnaires à se concerter pour apporter une réponse solide à ce genre d’événements. On ne peut plus laisser la place à des légalistes frileux vis-à-vis de l’action directe, et porteurs d’un anticapitalisme tronqué, se résumant dans la plupart des cas au retour à un stade antérieur de développement capitaliste (4), ou à un contrôle citoyen institutionnel idéalisé, qui ne tient absolument pas compte des siècles de lutte des classes ni du rôle historique de l’État, chien de garde des intérêts du capital.

Il faut enfin réaffirmer face aux tendances à idéaliser une opposition insurrectionnelle, que cette dernière doit se penser et s’organiser véritablement, et qu’elle doit tenir compte du rapport des forces en présence, qui nous était lors de ce G7 extrêmement défavorable. Des actions de blocage et de sabotage dans des villes autour du Pays basque nord auraient pu être une alternative.

Quoi qu’il en soit, ce G7 laisse un goût amer, et une « impression de bon gros gâchis » pour reprendre les mots d’un militant de l’UCL sur place. En effet, même si notre stratégie est avant tout la construction du rapport de forces et du contre-pouvoir sur les lieux de travail, nous pensons que la propagation des idées révolutionnaires peut aussi passer par le blocage – ou au moins la perturbation – des sommets des maîtres du monde. A condition de bien lier les deux !

Arthur (UCL Bordeaux),
avec les camarades d’Auvergne et de Gironde

(1) « Ministre négociateur », Le Canard enchaîné, 28 août 2019.

(2) « À aucun moment les plateformes n’ont eu de “discrètes négociations avec Laurent Nunez” ». Lire leur communiqué de presse.

(3) « A propos de la flic infiltrée débusquée au contre-sommet du G7 » sur Iaata.info.

(4) Les organisations comme Attac se revendiquent anticapitalistes, mais ne ciblent dans leur discours que des morceaux du problème : mondialisation, concentration du capital par quelques individus, etc. Elles laissent entendre qu’il suffirait de limiter les symptômes, sans remettre en question les causes, à savoir les fondements du capitalisme, comme la propriété privée.

Source : http://unautrefutur.org/le-bon-gros-gachis-de-biarritz-un-recit-libertaire-du-contre-g7/